Bellocchio, bon pied, bon oeil

On ne dénoncera jamais assez et jamais assez fort l’antisémitisme qui perdure depuis des générations en Europe et dans bien des pays dans le monde. Avec L’enlèvement (Rapito en version originale italienne, Kidnapped en version sous-titrée anglais), Marco Bellocchio revient sur une page méconnue de l’histoire de son pays pour dénoncer ce mal endémique, hélas encore trop présent.

Au passage, le vénérable cinéaste (âgé de 83 ans) écorche aussi des plaies plus larges, telles que la mainmise des autorités religieuses et la terreur qu’elles déploient pour maîtriser leurs sujets. Plusieurs métaphores du présent affleurent dans ce drame jonglant, hélas parfois avec un main un peu lourde – surtout dans le dernier chapitre -, avec le baroque et l’intime, l’épopée sociale et le drame personnel.

Malgré la gravité de son sujet, le rythme ne faiblit jamais (l’une des belles surprises du film) en raison d’une mise en scène, certes très classique, mais qui ne manque pas de souffle et quelques envolées lyriques exubérantes à souhait. Un dernier tiers un peu trop porté sur le pathos est toutefois un peu plus problématique.

Dans le rôle du pape Pie IX, incapable d’accepter les changements qui se dessinent sous ses yeux, Paolo Pierobon (grand acteur en Italie, mais méconnu chez nous) est particulièrement terrifiant. (Vu lors du Festival du nouveau cinéma, en octobre 2023)

Synopsis officiel : En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du pape font irruption dans la maison de la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus chercher Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant a été baptisé en secret par sa nourrice lorsqu’il était bébé et la loi papale est sans appel : il doit recevoir une éducation catholique. Les parents d’Edgardo, désemparés, sont prêts à tout pour récupérer leur fils. Soutenu par l’opinion publique et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend rapidement une dimension politique. Mais l’Eglise et le Pape n’acceptent pas de rendre l’enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant…

Sortie en salle au Québec : à venir